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  5. 2009

Randonner au désert : un tourisme sexuel ?

Publié le 24 mars 2009 Mis à jour le 29 septembre 2023

24 mars

Corinne Cauvin-Verner
(Centre d’Histoire Sociale de l’Islam Méditerranéen - Rabat, Maroc et EHESS-Paris, France)

Résumé

Les circuits de trekking au Sahara marocain sont fréquemment l’occasion d’échanges sexuels entre les randonneuses occidentales et leurs guides issus de tribus bédouines. L’expérience touristique construit-elle le désert comme une hétérotopie sexuelle ? Un sexscape ? Cet objet d’étude pose une difficulté non résolue, qui est celle de sa problématisation en termes de tourisme sexuel. On observe en effet que ni les touristes ni leurs hôtes ne considèrent la sexualité comme une donnée première de leurs aventures, investies de sentiments romantiques et susceptibles de se pérenniser. Cette sexualité n’a généralement pas motivé le premier voyage et elle n’est pas l’objet d’un commerce monétaire. Toutefois, sans être une relation de prostitution, elle reste gouvernée par une logique transactionnelle de biens matériels et immatériels, d’émotions et de rêves susceptibles de modifier les rapports de pouvoir institués par la relation touristique. Ainsi contribuerait-elle au renforcement d’une agency : les guides de randonnées saisiraient la possibilité d’un don sexuel pour imposer une dette, tenir en échec la revanche sociale des femmes occidentales à s’affirmer comme sujets de leur sexualité, et rétablir, conformément à leurs valeurs morales, une hiérarchie des sexes où prévaut leur masculinité.

Bio/Bibliographie

Corinne Cauvin Verner est docteur en anthropologie de l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, chercheur associé au Centre d’Histoire Sociale de l’Islam Méditerranéen. Sa thèse, Au désert. Une anthropologie du tourisme dans le Sud marocain, a été publiée aux éd. L’Harmattan en 2007. Sur le tourisme, elle a également publié des articles dans le Journal des Africanistes, Civilisations et les Cahiers d’études africaines.
Depuis 2000, elle réside au Maroc où elle poursuit ses enquêtes ethnographiques sur les résidents français à Marrakech et sur la folklorisation d’une danse bédouine (guedra) confrontée au réformisme. Elle a effectué trois recherches sur les matériaux ethnographiques exploités en Afrique du Nord par Henry de Montherlant, Paul Bowles et Jacques Majorelle, à paraître dans des ouvrages collectifs en 2009. Dans le cadre d’un programme de recherche FSP (EHESS), elle travaille sur la construction des savoirs monographiques au Maroc pendant le protectorat. Elle anime avec Dominique Casajus et Jean-Louis Marçot un séminaire de recherche (EHESS) sur les mythes sahariens.
Sur son terrain d’études au Sahara marocain, elle a également réalisé cinq films documentaires : L’Appel du désert (2001), Nomades de profession, (2001), Les Nouaji (2002), Les Noces de Nazha (2002), Désert autre mesure (2003), et publié deux albums: Maisons et riads du Maroc (2005) et Paysages marocains (2007).