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Trafiquer les mots ? L’importation et l’utilisation du concept « travailleuse du sexe » par les ONG au Maroc

Publié le 9 mai 2011 Mis à jour le 29 septembre 2023

9 mai

Meriam Cheikh
(FNRS/Université libre de Bruxelles/École des Hautes Études en Sciences Sociales)
Salle Henri Janne (15è étage)

Résumé

Depuis la fin des années 90, un curieux terme – celui de « travailleuse du sexe » nommant la pratique de vente de sexe – a fait son apparition dans l’espace discursif des associations de santé luttant contre le sida et sous la plume de rares sociologues de la sexualité. L’importation de ce terme en accord avec les standards internationaux du bien-parler semble, toutefois, ne pas cadrer avec les manières dont les principales protagonistes, subissant le processus de désignation, pensent leurs pratiques. Ce kit prêt-à-penser fait l’objet de résistances de la part des bénéficiaires qui insistent pour que leurs activités soient nommées par le mot « sortir » (l-khrij). J’analyserai cette disjonction ainsi que cette résistance à l’appauvrissement de leur réel. Je montrerai aussi comment un concept qui se veut a priori déstigmatisant peut produire du stigmate et enfermer, limitant ainsi les possibilités pour les femmes de se raconter autrement et, partant, de se projeter différemment.

Bio/bibliographie

Mériam Cheikh est aspirante FNRS, elle achève actuellement une thèse de doctorat en anthropologie urbaine menée en cotutelle entre l’Université libre de Bruxelles et l’EHESS (Paris). Son ethnographie porte sur un groupe de jeunes filles célibataires vivant seules à Tanger et pratiquant le sexe et l’amour tarifés. Elle questionne les modalités de construction des trajectoires urbaines féminines marquées par la capacité à mobiliser des ressources, l’apprentissage de compétences et la mobilité spatiale. Ceci vise à contrecarrer, à l’intérieur de la ville marocaine, les inégalités locales et globales et à créer du déplacement dans l’agencement des mondes sociaux. La thèse s’intitule Des filles qui sortent : Entre "prostitution" et intimité monétarisée, les trajectoires et carrières de jeunes urbaines marocaines.