Les corps de Donna Haraway : essai d’ontologie féministe

Nathalie Grandjean
(Université de Namur)

Résumé
Différentes figures traversent le travail philosophico-féministe de Donna Haraway : cyborg, oncomouse, le coyote, la Malinche, ainsi que des animaux de compagnie, dont son chien, Cayenne. Le cyborg, organisme cybernétique, hybride de machine et de vivant, créature de la réalité sociale comme personnage de fiction, en est l’une des plus emblématiques. C’est un trope puissant et stratégique, qui permet de penser les corps déclivés de leurs catégories assignantes et naturalisées : la catégorie « femme » a été vidée de sa nature par les déconstructions féministes, la catégorie ‘humain’ par la biologie et par le numérique. On ne peut plus compter (conter) dessus.
Ces corps cyborgiens doivent être pensés dans une politique qui ne les précipite pas vers le pire. Au XXIème siècle, les combats pour l’émancipation des corps sexués (féminisme, mouvements LGBTQI) ou les débats paternalistes concernant leur régulation (bioéthique) sont autant de politiques des corps avec lesquelles nous ne pouvons plus composer comme avant, naïvement ou innocemment. Car ces politiques des corps sont autant de politiques de l’identité, elles-mêmes prises dans des logiques autant émancipatoires que meurtrières.

Biographie
Nathalie Grandjean est chercheuse senior en Science & Technology Studies au CRIDS (Centre de Recherche en Information, Droit et Société) et assistante en sociologie du numérique en Faculté d’Informatique à l’Université de Namur. Elle est aussi doctorante en philosophie.
Ses recherches s’effectuent, d’une part, sur le terrain des projets de Recherche & Développement en ICT (notamment en technologies de la surveillance), dans lesquels elle s’intéresse aux implications spéculatives des exigences d’éthique et d’acceptabilité sociale dans le design des innovations technologiques. D’autre part, elle mène une investigation philosophique sur les politiques des corps contemporains, guidée par le post-structuralisme (Foucault, Deleuze & Guattari) et les féminismes (Donna Haraway, Judith Butler, Catherine Malabou). Elle est aussi membre du CA de Sophia, réseau belge des études de genre.