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Etre fervent-e catholique et marié-e en couple de même sexe. Analyse d'une combinaison improbable dans le contexte post « mariage pour tous » en France

Publié le 11 octobre 2016 Mis à jour le 25 septembre 2023

11 octobre


En collaboration avec le CIERL, dans le cadre de l’ARC Sex & Pil

Céline Béraud
(Université de Caen) Professeure invitée à la MSH

CIERL, Grande salle
Avenue Roosevelt, 17 1000 Bruxelles

Abstract
La mobilisation contre le mariage pour tous a nourri en France un regain d’intérêt pour le catholicisme, tant dans les médias que dans le domaine de la recherche en sciences sociales où cet objet apparaît volontiers comme atone et désuet. Mais ce regain d’intérêt porte principalement sur ceux qui se sont opposés à la loi : notamment ces foules de manifestants très largement catholiques (malgré un affichage aconfessionnel), fières d'elles-mêmes, persuadées en défendant l’hétéronormativité de lutter en faveur du « bien commun », au nom du respect de l’ordre « naturel » des corps voulu par Dieu voire de la pseudo évidence du biologique (celle de la différence anatomique des sexes) et de la force de conviction du « bon sens » comme l’ont proclamé certains slogans. Ce regain d’intérêt laisse assez largement dans l’ombre les catholiques qui y étaient favorables voire ceux qui entendaient y avoir personnellement recours.
Cette communication s’appuie sur le matériau recueilli à l’occasion d’une enquête, encore en cours en France, auprès de catholiques pratiquant-e-s réguliers, en couple de même sexe, qui ont fait le choix de se marier ou ont pour projet de le faire prochainement. Comment ces catholiques investissent-ils le mariage civil, dont les autorités religieuses ont pourtant proclamé qu’il ne pouvait unir qu’un homme et une femme, au nom du principe de différence des sexes qu’elles jugent irréductible ? Cette première question qui se trouvait à l’origine de la recherche a très vite été complétée par une seconde, dont l’ampleur est apparue dès les premiers entretiens réalisés au printemps 2014. Comment des fidèles gays et lesbiennes demandent-ils à leur Eglise un accompagnement voire une mise en forme rituelle de leur union, alors même que le magistère catholique qualifie les « actes d’homosexualité » d’« intrinsèquement désordonnés » ne pouvant « en aucun cas recevoir quelque approbation » et que l’on peut considérer de manière plus générale que la condamnation religieuse constitue aujourd’hui la rhétorique homophobe la plus puissante ? Il y a là une énigme qui n’est pas sans rappeler celle qui se trouve à l’origine de l’ouvrage de Saba Mahmood sur la « politique de la piété ». Comment l’institution ecclésiale et ses agents, les prêtres en particulier, répondent-ils, souvent dans la plus grande discrétion, à ces demandes ?

Biographie
Céline Béraud est Maîtresse de conférences HDR en Sociologie à l’Université de Caen Normandie, membre junior de l’Institut Universitaire de France. Elle travaille sur les questions de genre dans le catholicisme et sur la religion dans les institutions publiques. Elle a publié en 2015, avec Philippe Portier, Métamorphoses catholiques. Acteurs, enjeux et mobilisations depuis le mariage pour tous (éditions de la Maison des sciences de l’homme).